Le 13 mai, sur RFI, l'ancien président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz dénonçait les poursuites judiciaires dont il fait l'objet dans son pays, affirmant qu'il y a derrière des motivations politiques pour le faire taire.
Ce matin [20 mai], le ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et des technologies de l'information et porte-parole de l'actuel gouvernement, Sidi Ould Salem, lui répond, au micro de Magali Lagrange.
RFI : L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz dénonce un harcèlement judiciaire contre lui. Les poursuites contre lui sont-elles politiques ?
Sidi Ould Salem : Tout citoyen est justiciable, fût-il ancien président ou ancien ministre. C’est un problème avec la justice donc je n’ai pas à commenter. Le gouvernement n’est pas impliqué dans ce dossier. Il y a une séparation des pouvoirs et à ce titre, chaque citoyen a le droit de se défendre.
La maison de l’ancien chef de l’État a été fouillée. Est-ce qu’il y a été trouvé quelque chose ? Est-ce qu’il existe des preuves actuellement contre lui ?
C’est à la justice qu’il faut poser la question. Je n’ai aucune information sur ce dossier et je n’ai pas le droit de le commenter non plus.
Justement, dans un dossier autant politisé, ne faudrait-il pas, pour la crédibilité de l’action menée contre l’ancien chef de l’État, que le procureur s’exprime ?
C’est à la justice de juger s’il est opportun de s’exprimer ou pas. En tant que gouvernement, nous veillons à ce que la justice soit indépendante et transparente et nous souhaitons à tout le monde d’avoir un procès et un processus juste, équitable et transparent.
Cela fait un moment que la justice se penche sur ce dossier. Ne vaudrait-il pas mieux, dans l’intérêt de l’affaire, que cela aille plus vite ? Peut-être que le gouvernement demande d’accélérer la procédure pour clore cette affaire ou pour qu’il y ait un procès ?
Je suis désolé de me répéter encore. Je pense que le gouvernement n’a pas à s’ingérer dans un processus judiciaire. Je peux vous assurer que ce dossier n’a jamais été l’objet d’un débat en Conseil des ministres et nous nous sentons complètement éloignés de ce dossier.
En 2014, lors de la réélection de l’ancien président, vous avez été son directeur de campagne. Vous avez également été son ministre. Est-ce que vous avez vu des choses qui lui sont reprochées aujourd’hui ?
C’est une question personnelle. C’est vrai, j’ai été son directeur de campagne, j’ai été ministre. Je n’ai jamais vu des agissements contraires à la loi. Mais voilà, c’est dans mon secteur.
Est-ce que rien ne vous a jamais fait douter ou ne vous a donné envie de quitter ce gouvernement ?
L’actuel ou l’ancien ?
L’ancien.
Non, jamais.
Pour Mohamed Ould Abdel Aziz, ses ennuis s’aggravent lorsqu’il dénonce la situation politique en Mauritanie. Est-ce que vous diriez, au niveau du gouvernement actuel, qu’il est libre de s’exprimer ?
Tout à fait, c’est un droit. Chaque citoyen est libre de s’exprimer et libre d’avoir des opinions. C’est une fierté pour ce pays. Il y a une liberté de la presse, il faut bien en profiter. C’est de bonne guerre, c’est politique. On peut s’attaquer au gouvernement. Tout le monde le fait. Sur les réseaux sociaux, les partis politiques s’expriment, on critique l’action du gouvernement et c’est un bon signe pour ce pays. Cependant, il faut s’assurer de ce qu’on dit et vérifier sur le terrain.
Peut-il, à votre avis, participer à la vie politique ? Il affirme qu’on lui fait payer le droit d’exister comme homme politique. Il explique qu’un des bureaux de Ribat Al Ouatani a été fermé parce qu’on ne voulait pas de ce parti.
Ce n’est pas à nous de décider s’il doit faire de la politique. C’est une question personnelle sauf si le droit ou la justice l’en empêche.
L’ancien président parle de la fin d’une amitié de plusieurs décennies avec le président actuel, le président Ghazouani. Est-ce que ses ennuis judiciaires sont liés à une brouille entre deux amis ?
C’est une affaire privée sur laquelle je n’ai aucun commentaire à faire.
D’après vous, une réconciliation est-elle possible ?
Je ne peux pas m’exprimer sur cette question puisque c’est une affaire entre deux hommes. Libre à eux de la gérer.
Est-ce qu’il y a un autre point de son interview sur lequel vous souhaitiez réagir ?
J’ai été interloqué par deux aspects. Le premier aspect, c’est l’augmentation des dépenses du budget de la présidence. C’est vrai qu’il y a eu des augmentations de budget, pas seulement de la Défense mais de tous les départements.
Là-dessus, Mohammed Ould Abdel Aziz dit que les dépenses ont été multipliées par trois.
Mais elles peuvent être multipliées par 10, ce n’est pas le problème. Ce n’est pas une mauvaise chose que le budget augmente si l’on a les ressources pour le financer. Le deuxième aspect qui m’a interloqué sur les questions et dans les réponses de cette interview, c’est la gabegie et la corruption qui sont soi-disant omniprésentes.
La gabegie et la corruption sont-elles omniprésentes ?
Tous les pays luttent contre la gabegie et la corruption et tout citoyen témoin de gabegie ou de corruption doit le dénoncer. Pas seulement sur les ondes, il y a la justice, il y a les tribunaux. Si quelqu’un a été témoin ou s'il l’a appris, il doit le dénoncer, sinon c’est une complicité.
Mais Mohamed Ould Abdel Aziz dit justement que ces poursuites visent à le faire taire pour ne pas qu’il dénonce cette gabegie et cette corruption. Que lui répondez-vous ?
C’est une ligne de défense, mais je pense que le plus important, c’est de se focaliser sur la justice et sur sa défense de manière plus objective et plus efficace au lieu de chercher une animosité particulière par rapport au gouvernement. Je ne pense pas que ce soit une bonne ligne de défense.
Par : Magali Lagrange