Alors que les désengagements se multiplient en Mauritaniedans le secteur extractif, une société se démarque par sa longévité et sa ténacité. TMLSA, filiale de la société minière aurifère Kinross, affiche une santé éclatante et des perspectives prometteuses sur fond de projet d’extension, et ce malgré l’incendie qui a frappé le site de Tasiast dans la nuit du 15 au 16 juin.
Rien n’aura eu raison de l’activité de Kinross en Mauritanie. Ni le changement de régime, ni la crise du Covid qui a touché durement un secteur extractif déjà fragilisé, ni les signaux ambivalents envoyés par le gouvernement au secteur, ni même l’incendie qui s’est récemment déclaré sur le site minier de Tasiast – un sinistre rapidement maîtrisé et qui n’a fait aucun blessé.
Envers et contre tout, la société confirme sa solidité, bénéficiant d’un climat apaisé avec le gouvernement suite à l’accord renégocié mi-2020. En dix ans, grâce à des investissements cumulés de 2,8Md USD, Kinross, via sa filiale TMLSA, aura fait de Tasiast une mine de classe mondiale.
L’an dernier, son chiffre d’affaires a atteint 718 millions de dollars – des revenus qui ont plus que doublé en quelquesannées. Une belle performance dans le contexte actuel, tirée par le cours élevé de l’or, dont sa production a progressé de 4 % par rapport à 2019 et atteint pour la première fois 12,6 tonnes.
Un tel niveau de production a pu être maintenu malgré la pandémie, alors que la plupart des opérateurs des industries extractives ont cessé temporairement leur activité ou réduit leur production. « Nos investissements ont porté leurs fruits et cette augmentation des revenus a permis de commencer à rembourser les coûts engagés pour développer le site », se félicite Andreas Mittler, CEO de Tasiast Mauritania Ltd.
De fait, les coûts d’exploitation, qui était le point faible de la mine, ont été réduits de 976 à 584 dollars par once d’or entre 2018 et 2020.
Capacités de traitement triplées
Dès l’acquisition du site, la société canadienne a fortement augmenté la capacité des installations de production au niveau de l’usine de traitement ainsi que sur le site minier, où le parc d’équipements lourds a été considérablement augmenté afin de pouvoir extraire quelque 100 millions de tonnes de roches chaque année.
À ces investissements se sont ajoutées de nombreuses autres installations et équipements nécessaires pour rendre le site opérationnel dans un environnement très isolé.
En plus d’avoir généré « de nombreuses opportunités d’affaires pour les entrepreneurs mauritaniens », comme le souligne Andreas Mittler, ces investissements ont permis en dix ans de faire bondir les capacités de traitement de la mine de 8000 tonnes de minerais par jour à 12000 en 2018 et à16000 tonnes actuellement. De quoi permettre à TMLSA deverser quelque 933M USD au gouvernement – une manne qui sera confortée par l’agrandissement de la mine et le projet 24k.
Ce dernier devrait porter la capacité extractive à 24000tonnes par jour d’ici mi-2023, moyennant un investissement supplémentaire de 150 millions de dollars afin d’optimiser les installations existantes. De quoi aussi améliorer la capacité de traitement des minerais à faible teneur et prolonger la viabilitéde la mine de trois ans.
Les prévisions de production pour 2021 ont été revues à la baisse suite à l’incendie qui s’est déclaré sur la zone de décharge du broyeur, contraignant à la suspension temporaire des activités de broyage. De 2,4 millions équivalent onces d’or initialement prévus, celles-ci passent à 2,1 millions équivalent onces d’or.
Les prévisions pour 2022 et 2023 sont par contre maintenues, avec respectivement 2,7 et 2,9 M équivalent onces d’or. De leur côté, l’activité et les travaux relatifs aux projet 24k ont repris, et les perspectives de traitement à l’horizon 2023 demeurent inchangés.
Accord gagnant-gagnant
Ce bilan et ces perspectives n’auraient pas été possibles sans relations apaisées avec les autorités. Après l’ère Aziz émaillée de tensions avec les investisseurs internationaux, la présidence Ghazouani est marquée par la volonté de changer de cap, dans l’intérêt réciproque.
C’est ainsi que l’accord négocié le 15 juin 2020 a permis d’augmenter les royalties payées par TMLSA (36 millions de USD en 2020 contre 16 millions en 2019), ouvrant la voie à une collaboration renforcée et à l’intensification des investissements du minier canadien dans le pays. Par ailleurs, conformément à ses engagements, la société a « mauritanisé » ses effectifs en limitant à 27 le nombre d’expatriés sur un effectif global de 3500 personnes.
Autre avancée notable : avec l’octroi d’une nouvelle licence d’exploitation minière de 30 ans pour le projet de Tasiast Sud (dont l’Etat a obtenu gratuitement 15%), la compagnie s’est engagée à régler un litige concernant des exonérations fiscales. Autant d’acquis qui ont mené le ministre du Pétrole àdéclarer le 14 juin que Kinross « mérite des remerciements pour sa confiance en la Mauritanie ». Quel meilleur étendard pour y attirer d’autres sociétés extractives, au moment où l’exécutif multiplie les initiatives en ce sens ?
Par Albert Savana