Mohamed El Azizi, Directeur Général de la Banque Africaine pour l’Afrique du Nord revient sur les perspectives économiques en Afrique du Nord ainsi que les répercussions socio-économiques négatives de la pandémie de Covid-19. Il rappelle que les pays devraient chercher à renforcer leur intégration et ouverture commerciales, dans le cadre de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF).
EcoActu.ma : Selon le rapport « Perspectives économiques en Afrique du Nord 2020 », l’Afrique du Nord figure parmi les régions les plus performantes sur le continent en 2019. Pourriez-vous apporter des précisions ?
Mohamed El Azizi : En 2019, l’Afrique du Nord était, pour la seconde année consécutive, la deuxième région la plus performante du continent après l’Afrique de l’Est avec une croissance moyenne de 3,7 %.
Cependant, les estimations laissent apparaître des performances contrastées. Ainsi, la Mauritanie et l’Égypte ont enregistré les résultats les plus solides de la région, avec un taux de croissance en 2019 respectivement de 6,7 % et de 5,6 %. Au Maroc et en Libye, la croissance était estimée respectivement à 2,5 % et 4,0%. En Algérie et en Tunisie, elle était respectivement de 0,7 % et 1 % en 2019.
Compte tenu des répercussions socio-économiques négatives de la pandémie de Covid-19, l’Afrique du Nord a été fortement impactée par la crise. Quels sont les scénarios de sortie de crise ?
Figurant parmi les plus grandes crises sanitaire, économique et sociale de ce début de 21ème siècle, la pandémie de Covid-19 affecte durement les économies nord-africaines. Les conséquences multiples sont sans précédent notamment sur la croissance économique et l’emploi. Face à cette crise inédite, les pays de la région ont pris des mesures sanitaires et budgétaires pour endiguer la propagation du virus et protéger leurs populations.
En Afrique du Nord, l’accélération de la levée des restrictions accentue l’incertitude et laisse place à une reprise selon deux scénarios distincts : le premier, de référence, table sur une sortie de crise à partir de juillet 2020.
Le second, plus pessimiste, voit persister la pandémie jusqu’en décembre 2020. Selon le premier scénario, la croissance régionale perdrait 5,2 points de pourcentage, ce qui détériorerait la croissance à -0,8 %. Ce recul se situerait, dans le second scénario, à -6,7 points de pourcentage, générant une récession de -2,3 %.
Il ressort que les secteurs des services, du tourisme et de l’industrie, plus forts contributeurs à la croissance régionale, ont été fortement touchés par les nombreuses mesures de restriction.
L’impact défavorable de la pandémie sur la demande mondiale ainsi que sur les cours des produits de base devrait entraîner une détérioration des déficits budgétaires et des comptes courants dans les pays de la région.
Le déficit budgétaire pourrait, dans le scénario pessimiste, atteindre en moyenne 10,9 % du PIB régional en 2020. Ce même scénario laisse entrevoir un déficit courant de 11,4 % du PIB en 2020.
Dans l’ensemble, les répercussions négatives seront en fonction de la gravité et de la durée de la pandémie, de l’efficacité des mesures de riposte engagées ainsi que du niveau des ressources consacrées à l’endiguement de la crise.
Justement quelles sont les perspectives pour 2021 ? Quelles sont les recommandations pour accélérer la sortie de crise et relancer les économies dans la région ?
En 2021, la reprise économique est prévue, avec une croissance nord-africaine de 3,3% dans le scénario de référence et de 3% dans le scénario pessimiste. A noter que le renforcement du processus d’inclusion sociale et économique favoriserait la reprise sur un sentier de croissance plus élevé.
Les disparités sociales et régionales, déjà importantes, se sont aggravées en raison des répercussions économiques et sociales de la pandémie. Pour rendre la croissance plus inclusive, il est nécessaire d’engager des réformes structurelles qui renforcent l’efficience du secteur public et la compétitivité du secteur privé, dans le but de créer davantage d’emplois. Le développement de l’agro-industrie est capital pour promouvoir les chaînes de valeurs agricoles locales.
Le développement du secteur manufacturier est, quant à lui, véritablement déterminant pour la croissance économique car il fournit des emplois productifs et bien rémunérés à un grand nombre de travailleurs. Les pays devraient enfin chercher à renforcer leur intégration et ouverture commerciales, dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF).
L’investissement dans le capital humain et les compétences est une condition indispensable à l’accélération du développement économique. En Afrique du Nord, l’adaptation des compétences aux nouveaux métiers induits par la quatrième révolution industrielle nécessitera de coordonner les réformes des systèmes d’éducation et de formation.