Les Mauritaniens l’attendaient depuis quasiment six mois, autant dire une éternité. Entre deux orages et malgré les pluies diluviennes qui se sont abattues le week-end dernier sur Nouakchott, le championnat de football a repris son cours en Mauritanie.
Pour tout le monde, c’est beaucoup plus qu’un soulagement. « L’attente a été longue et c’est une immense satisfaction », s’est félicité Baba Seck, entraîneur des Nouakchott Kings, dont l’équipe s’est imposée face à celle du Ksar (1-0) en match d’ouverture au stade Cheikha-Ould-Boïdiya.
« On avait la nostalgie du terrain et au début du match je ne tenais pas en place », assure l’attaquant Abderrahmane Sy. « J’ai ressenti beaucoup d’émotions au coup d’envoi, ajoute Mbacké Ndiaye, gardien de but. Le foot est ma vie, ma passion. »
Interrompue brutalement mi-mars à cause du Covid-19, la Super D1, qui compte quatorze équipes, s’était arrêtée au soir de la 20e journée. Contrairement à d’autres championnats dans le monde – notamment la Ligue 1 en France –, l’élite du football mauritanien disputera tous ses matchs de la saison 2019-2020.
« Nous avons estimé qu’il y avait des intérêts trop importants et qu’il fallait jouer les sept dernières journées, explique Pape Amghar Dieng, président de la Ligue. A la mi-octobre, toutes les rencontres auront été disputées et diffusées en direct à la télévision. Après une pause d’une vingtaine de jours, nous commencerons une nouvelle saison si le virus nous laisse tranquille. » En Mauritanie, 7 165 personnes ont été touchées par l’épidémie qui a fait 160 morts au 9 septembre.
« Ambiancer » les rencontres
Si le football a repris ses droits, il reste sous étroite surveillance. Les matchs se jouent à huis clos. Alors, pour « ambiancer » les rencontres, la sono du stade diffuse des chants de supporteurs pendant 90 minutes. Comme les vestiaires sont condamnés afin de limiter la promiscuité, c’est dans les tribunes que les joueurs, qui ne doivent pas se serrer la main avant le coup d’envoi comme c’est la tradition en signe de fair-play, enfilent leur maillot et chaussent leurs crampons.
C’est là aussi que le coach donne ses dernières consignes, quelques instants avant la minute de silence qui est observée avant chaque rencontre en hommage aux victimes de la pandémie.
« C’est assez perturbant de faire son discours d’avant match dans la tribune, mais il faut bien s’adapter, relativise Baba Seck. On n’a pas vraiment le choix et il faut préserver la santé de tous. » Dans une capitale mauritanienne où les gestes barrières semblent un peu oubliés ces derniers temps, le football veut montrer l’exemple. Le port du masque est obligatoire autour du terrain et dans la tribune officielle, où dirigeants et journalistes ne peuvent entrer qu’après un relevé de température et munis d’un badge.
Les Mourabitounes face aux Lions de la Teranga
« On a mis en place un protocole assez contraignant, mais il nous permet de voir l’avenir sereinement, estime Pape Amghar Dieng. Tous les présidents de club se sont engagés à faire respecter les mesures barrières pendant les matchs, mais aussi lors des entraînements qui ont repris dans les clubs aux alentours du 10 août. »
La reprise des championnats de Super D1 et Super D2 annoncent aussi celle des matchs internationaux. Tous les Mauritaniens ont déjà les yeux tournés vers la rencontre amicale qui opposera leur équipe au géant sénégalais, le 13 octobre à Thiès. En vue de la préparation de ce derby et des prochaines échéances, le sélectionneur Corentin Martins a fait le déplacement depuis la France pour assister à cette reprise du championnat.
« Je reviens en Mauritanie après neuf mois d’absence, se félicite l’ancien meneur de jeu des Bleus, qui a qualifié les Mourabitounes pour leur première Coupe d’Afrique des nations (CAN) en juillet 2019 en Egypte. Il était important pour moi de voir évoluer les joueurs locaux et de constater leur état de forme. »
A la lueur de ce premier match, il reste à fluidifier les combinaisons de jeu, à retrouver des automatismes. « On a vu assez peu d’intensité, mais les joueurs vont gagner en confiance au fil des rencontres, ajoute Moustapha Sall, adjoint du sélectionneur. Après quasiment six mois d’interruption, il faut du temps de jeu pour retrouver du rythme. »
Pierre Lepidi (envoyé spécial à Nouakchott, Mauritanie)