Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, doit engager à compter de ce vendredi un véritable marathon diplomatique, jusqu’à dimanche, sur les questions d’immigration et de sécurité.
En 72 heures, il doit rallier l’Italie, la Tunisie et l’Algérie, en passant par Malte. L’actualité terroriste dicte bien sûr ces étapes. Le terroriste tunisien qui a frappé à Nice le 29 octobre dernier n’était-il pas fraîchement arrivé via l’île italienne de Lampedusa? Brahim Aouissaoui a remonté la péninsule en passant à travers tous les contrôles censés pourtant être opérés.
L’Italie lui avait certes ordonné de quitter le pays, mais aucune mesure coercitive n’avait été prise. Un vrai fiasco sécuritaire, des deux côtés du Piémont d’ailleurs.
Le déplacement du ministre français aura pour but de relancer la coopération avec les Italiens dans la lutte contre le terrorisme et l’immigration illégale. Annoncé en août dernier par l’hôte de Beauvau, le projet de brigade franco-italienne de surveillance des frontières avait pris du retard avec la crise sanitaire. Gérald Darmanin espère voir cette sorte d’état-major intégré émerger de façon concrète pour faciliter les échanges d’informations et les actions communes des services.
Explosion statistique
Plus délicat sera le voyage à Tunis, dès vendredi midi. Là, lors de rencontres prévues avec son homologue de l’Intérieur mais aussi avec le chef du gouvernement, Gérald Darmanin doit discuter flux migratoires et coopération antiterroriste. Les migrants illégaux tunisiens représentent 40% du flux migratoire qui arrive actuellement sur les côtes italiennes. Plusieurs centaines d’illégaux par semaine, lors des pics d’arrivée.
Le député LR des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, avait le premier alerté sur cette explosion statistique, en août dernier. Et les craintes de voir un terroriste motivé profiter de cette faille béante se sont vérifiées avec le drame de Nice.
Autre sujet épineux: Gérald Darmanin doit évoquer le cas des islamistes étrangers fichés que la France voudrait expulser vers leur pays d’origine, dont beaucoup de Tunisiens, d’Algériens et de Marocains. Le premier flic de France a ordonné l’expulsion de 231 étrangers fichés dans le FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste). Pas moins de 70% des individus réputés dangereux sont issus des pays du Maghreb et quelques-uns sont russes, originaires de Tchétchénie. «Vingt-six sur les 231 ont déjà été expulsés», se félicite un proche du ministre. Mais il y a tous les autres.
«Les pays sources exigent, par exemple, des tests PCR pour voir si les intéressés n’ont pas le Covid», confie un connaisseur du dossier. Certes, certains des individus fichés sont positifs au virus, mais d’autres arguments sont avancés pour contrecarrer les projets de Paris.
«Il faut que le pays source reconnaisse son ressortissant avant de le reprendre, et les laissez-passer consulaires sont délivrés au compte-gouttes même pour des profils sans histoire. Alors imaginez pour un terroriste!», confie un expert. Dans certains cas, les autorités du pays d’origine tiendraient, selon lui, à peu près ce discours: «Votre suspect est en France depuis de nombreuses années, or il s’est radicalisé chez vous et nous n’avons aucune raison de la reprendre.»
Comment convaincre? Ce seront les mêmes difficultés à Alger, dernière étape de la visite ministérielle. Dans ce pays, les frontières sont totalement fermées à cause des mesures contre le coronavirus.
Par Jean-Marc Leclerc