La sortie récente de Ciré Kane sur la toile, objet de controverse, interpelle …Chacun de nous devra se prononcer sans démagogie aucune sur la question. Et, en bon démocrate, on se doit de poser, comme axiome, qu’il ne peut pas y avoir de question-taboue…
Certains hommes politiques -y compris des soldats reconvertis- excellent dans l’art de dévier les débats. Je crois, pour ma part, que le sens du posting de Mr Ciré Kane, sciemment déformé par quelques intervenants, n’était pas "d’appeler à la guerre" mais plutôt d’impulser une réflexion, susciter un débat autour de notre "Unité nationale", devenue problématique…
La position de Ciré, se résume, je crois, en ces termes : "l’unité n’est plus possible pour moult raisons(-discutables bien entendu-) ; A partir de ce constat établi, il propose, me semble-t-il, "que les gens se séparent dans l’entente mutuelle, en douceur, sans déchirure"; sans quoi, cette séparation ou partition risquerait de se produire dans la violence", dont il serait souhaitable de faire l’économie.
Toute autre lecture qui tend à en faire un appel à la guerre me semble simplement partisane, biaisée, voire démagogique ; tout comme la censure de Cridem par la HAPA qui monte au créneau, pour faire de si peu une montagne …
Certains ne cherchent rien de plus qu’à faire un mauvais procès à l’auteur, à le culpabiliser, par un terrorisme intellectuel qui ne dit pas son nom, visant à brider la réflexion, à empêcher de penser, de discuter des problèmes de fond. Discuter de tout, y compris de notre vivre-ensemble qui ne fonctionne pas, voilà le débat campé !
Discutons, débattons, puisque comme dit l’adage "un problème discuté est à moitié résolu".
Encore une fois il ne doit pas y avoir de question taboue ! Cela dit, je ne pense pas que l’Unité puisse être considérée comme une fin en soi absolue ; elle doit demeurer un objectif ultime vers lequel on doit tendre, autant que se faire se peut. "La vie à tout prix, comme l’Unité à tout prix, - source de tous les esclavages- ne peut pas être une option…au regard ce qu’en dit pertinemment Yehdih : "Si l’on ne peut vivre ensemble qu’au prix de l’oppression d’une composante, c’est une position pas raisonnable et qui, surtout, n’est pas tenable".
Or nous savons, en toute honnêteté que, jusqu’ici, l’Unité que nous vivons n’en est pas une, mais juste celle du cavalier et de sa monture. La vraie "unité suppose le respect de l’autre dans son identité et dans son altérité" ; et que "la volonté de vivre-ensemble doit avoir pour socle le respect concomitant de la diversité -ethnique et religieuse- condition de participation des nations", rappelle Souleymane B Diagne ; ce n’est pas le cas chez nous ! "90 % des richesses de la vallée du fleuve sont aux mains de familles maures", révèle Isselmou ould Abdel Kader, ancien gouverneur ; plus de 90 % de la population carcérale à Nouakchott est constituée de négro-africains et de Haratines, déclare Aminétou Mint El Moctar.
Moctar Ould Daddah confiait, en toute franchise, dans une interwiew (RFI) que "pour faire place aux hassanophones dans l’administration mauritanienne naissante, il fallait diminuer les gens du Sud"- ; Ça dit ce que ça dit, c’est-à-dire tout ! Souvenons-nous, par ailleurs, que Ould Taya avait fait assassiner des milliers de négro-africains et déporté des dizaines de milliers d’autres.
Dans "la vallée du fleuve"- ouvrage écrit par Bernard Grousse, Sidy M saleck et Ba Bocar Moussa -, ces auteurs rapportent le contenu d’un rapport confidentiel du ministre de l’intérieur Gabriel Cymper, ainsi libellé : "Les Halpulareen tentent de déstabiliser la Mauritanie en remettant en cause son arabité. La base sociale sur laquelle se développe ce particularisme, tributaire de l’hégémonisme sénégalais, c’est la composition ethnique du peuplement local actuel, majoritairement halpulareen. En modifiant radicalement la composition ethnique de ce peuplement, on prive ce particularisme de tout développement à moins terme".
C’est là une des faces cachées de l’agenda qui montre que l’imbrication des populations, posée naïvement par certains comme obstacle à la séparation, n’a pas été fortuite ou accidentelle. En couronnement de ce chapitre de discriminations flagrantes, ouvertement menées, loin d’être exhaustives, que dire de l’accaparement ou des tentatives répétées d’accaparement, de tous les jours, des terres de la vallée du fleuve ?
Après 60 ans d’oppression persistante, 60 ans "d’unité du cavalier et de sa monture", que fonde une volonté politique assumée et obstinée de faire de tous des arabes, dans le déni de nos langues et cultures, que faut-il penser ? La description de cette douloureuse situation ne mérite-elle pas qu’on s’interroge, légitimement, sur la viabilité de notre Unité ?
N’est-on pas en droit -pour les victimes-, de nous interroger et pour tous les autres, de chercher, par devoir, des solutions, d’explorer toutes les voies, toutes les options possibles ?
Yehdih -encore lui-, posait que "un pays est d’abord fondé sur une volonté des diverses parties de coexister, de vivre ensemble dans la paix. Sans ce choix et cette volonté c’est une partie perdue". Avons-nous consulté les composantes de notre peuple sur leur volonté de coexister ? pas à ma connaissance ! De surcroît, La Mauritanie a existé par la seule volonté du colon, ne perdons pas ça de vue …
Enfin , Julius Niereré, dans "pourquoi j’ai soutenu le Biaffra", posait que : "l’Unité ne peut se fonder que sur l’assentiment des peuples en cause. Les peuples doivent sentir que l’État, l’Union sont leurs et accepter que leur querelle se situe dans ce cadre là. A partir du moment où une fraction importante du peuple cesse de croire que l’Etat est le sien et constate que le gouvernement n’est plus à son service l’unité n’est plus viable".
Ce stade n’est -il pas atteint en ce moment, au vu du ressenti actuel des Négro-africains vis-à-vis de l’Etat central mauritanien ? Alors, de grâce ne faisons pas de procès, mal placé, à Mr Kane, en droit de s’interroger et de proposer ...Ce ne serait rien d’autre qu’une manière subtile de noyer le poisson, de dévier le débat... Osons, s’il vous plait, réfléchir et livrer, en toute objectivité et sans circonlocutions, le fruit intégral de notre réflexion ...
"Une vie qui ne s’examine pas ne mérite pas d’être vécue", disait l’autre. Discutons, débattons sans tabou …Débat et dialogue inter-communautaire…Mais surtout et avant tout, débat intra-communautaire arabo-berbère car il faut bien qu’on nous disent si oui ou non cette situation, sans issue, doit continuer ou prendre fin. Les Justes doivent monter au créneau et l’impulser…. à la manière de Yedaly.
Samba Thiam
Président des FPC.