Dr. Abdallahi Abed, radiologue interventionnel est un ancien praticien attaché associé en radiologie interventionnelle à l'Hôpital Sud Francilien et à l'Institut Gustave Roussy France. Il est aussi ancien praticien hospitalier en radiologie interventionnelle à l'hôpital européen Georges Pompidou.
Le Calame : Qu’appelle-t-on un radiologue interventionnel ? C’est une nouvelle spécialisation, en tout cas en Mauritanie ?
Dr Abdallahi Abed : Tout d’abord je vous remercie de l’intérêt que vous portez au domaine médical et la santé de nos populations.
Un radiologue interventionnel est un médecin radiologue qui s’est spécialisé dans la sous-spécialité de radiologie interventionnelle. C’est une spécialité relativement ancienne puisqu’elle existe depuis les années 80 mais elle a bénéficié d’énormes progrès dans les 20 dernières années et continue à ce jour de révolutionner la pratique médicale et la prise en charge des patients. Dans notre pays, c’est une spécialité relativement nouvelle.
En quoi consiste la radiologie interventionnelle ? Quels avantages peut-elle offrir aux patients ?
La radiologie interventionnelle consiste à utiliser les outils de la radiologie (rayons X et scanner, échographie et résonance magnétique) afin de guider la réalisation des gestes au sein de l’organisme à visée diagnostique et surtout thérapeutique sans avoir besoin de faire une ouverture chirurgicale. Un radiologue interventionnel est un « chirurgien sans scalpel ».
Il s’agit d’une spécialité transversale c’est-à-dire qui a des applications sur l’ensemble des organes du corps, de ce fait elle a de très nombreuses indications.
La plupart des interventions en radiologie interventionnelle se font sous anesthésie locale (pas besoin d’endormir les patients), sans incision chirurgicale, ce qui permet de réduire les douleurs opératoires, les complications postopératoires et la durée de l’hospitalisation qui peut être de quelques heures seulement tout en garantissant une efficacité thérapeutique maximale.
Ainsi à titre d’exemple, le radiologue interventionnel peut intervenir sur une tumeur en la détruisant par l’introduction à travers la peau d’une aiguille spéciale qui produit de la chaleur ou du froid (radiofréquence et cryothérapie) ou l’asphyxier en bouchant ses vaisseaux nourriciers (embolisation et chiomioembolisation). Il peut également arrêter une hémorragie interne tout en conservant l’organe responsable.
L’exemple type est l’hémorragie du post partum (première cause de mortalité maternelle dans notre pays), ce qui permet d’éviter de recourir à la chirurgie qui consiste à l’hystérectomie (ablation de l’utérus) parfois chez des femmes très jeunes, aux conséquences psycho-sociales désastreuses.
Vous avez réalisé il y a quelques jours une intervention délicate sur une patiente. De quoi souffrait-elle ? En quoi a consisté cette intervention ?
Il s’agit d’une patiente d’une soixantaine d’années qui, à la suite d’une chute, a présenté des douleurs intenses du dos dont l’exploration a mis en évidence une fracture au niveau de la 12e vertèbre thoracique.
L’intervention a consisté à réaliser une injection de ciment médical sous guidage de rayons X au sein de cette vertèbre fracturée par l’intermédiaire d’une aiguille, sans ouverture chirurgicale après une anesthésie locale, ce qui a permis de la consolider dans les minutes suivant l’intervention. La patiente va très bien et ne présente plus aucune douleur.
Nos hôpitaux publics disposent-ils de plateaux techniques appropriés pour la pratique de la radiologie interventionnelle?
À ce jour, nos hôpitaux publics ne disposent pas de plateaux techniques adéquats pour cette pratique. Les seuls plateaux techniques adéquats se trouvent actuellement dans le secteur privé. On espère que les pouvoirs publics équiperont nous hôpitaux de plateaux techniques pour cette spécialité ; ce qui permettrait d’améliorer considérablement la prise en charge de nos patients et de diminuer le nombre d’évacuations à l’étranger.
Nous sommes en période de COVID 19. Quelle évaluation vous faites de la riposte organisée jusque-là par les pouvoirs publics ?
Je pense que la gestion globale de l’épidémie était plutôt satisfaisante. Les pouvoirs publics ont eu raison d’insister sur les mesures préventives et de distanciation sociale ainsi que le confinement des cas suspects ou provenant des pays en situation épidémique.
La preuve est qu’on fait partie des pays qui comportent le moins des cas de COVID 19, Dieu merci. Je pense qu’il ne faut pas desserrer la ceinture et continuer à rester vigilant surtout que des pays du voisinage comme le Sénégal ou le Maroc sont en situation d’épidémie avec beaucoup des cas de transmission communautaire.
Vous avez fait l’objet de confinement pendant 14 jours, lors de votre arrivée de Paris, par le vol du 16 mars. En quoi consiste le confinement dans un hôtel ou auberge ?
Le confinement dans un hôtel ou auberge consiste à isoler des personnes en bonne santé ayant eu contact avec un cas avéré de COVID 19 ou provenant d’un pays en situation épidémique afin d’éviter une propagation de la maladie par des « porteurs sains » ou par des personnes en période d’incubation. Puis il s’ensuit une surveillance médicale quotidienne pendant toute la durée du confinement qui est d’environ 2 à 3 semaines en moyenne.
Propos recueillis par Dalay Lam