Interview sur le Programme Pastoral 2020

mer, 27/05/2020 - 09:30

Interview
Suite à notre article paru dans notre dernière livraison, portant sur le Programme pastoral 2020, les réactions ont été nombreuses qui ont souhaité en savoir davantage dans ce qui est considéré comme la « première action d’envergure » lancée par le nouveau régime au profit des populations rurales.
Nous avons joint alors M. Mohamed Fadel Hamady, Chargé de mission au CSA , Chargé de la coordination du PPS (Notre photo)

L’Authentique Le Président Mohamed Ghazwani avait lancé le 13 avril 2020 le Programme pastoral d’URGENCE !...
Il a pourtant fallu attendre plus d’un mois, pour que l’aliment de bétail soit mis en vente. Or, il s’agit bien d’urgence. Qu’est-ce qui explique ce retard, si l’ont sait qu’au lancement du programme les modalités de cession de cet aliment de bétail n’étaient même pas encore définies ?
Tout d’abord, le Programme Pastoral Spécial,2020, tel qu’il a été baptisé cette année n’est pas l’unique dans notre histoire, nous avons connu nombre de plans et programmes de réponse à la sécheresse récurrente dans notre pays. Néanmoins, celui-ci se distingue clairement à plusieurs égards :- Le seul programme qui réalise un niveau de proximité sans égal ; avec plus de 270 points de vente couvrant toutes les communes rurales du pays et tous les points de concentration de cheptel ;
  Le seul programme qui a réussi à mettre en vente des produits de qualité irréprochable et même bien appréciés par les éleveurs ;
  Le seul programme qui a démarré dès le premier jour avec un niveau de couverture de 100% des points de vente.
Quant à votre question relative à un supposé retard de mise en place. Il s’agit effectivement d’un programme d’urgence qui vise à couvrir un besoin spécifique lié à la période de soudure. Je considère qu’il n’y a pas eu de retard par rapport à cette période.
Le Président de la République a donné le coup d’envoi des opérations de transport de l’aliment de bétail et des autres volets du programme, le 13 avril et trois semaines plus tard, le 4 mai, les produits ont été rendus disponibles partout, dans tous les points de vente. C’est dire combien tout était bien préparé à l’avance pour atteindre cette performance.

L’Authentique : Pourquoi les associations d’éleveurs et la société civile n’ont-elles pas été associées au ciblage des bénéficiaires lors de la cession de l’aliment de bétail ?
Le cadre institutionnel défini pour la mise en œuvre du programme attribue au Comité Départemental de Suivi, présidé par le Hakem et comprenant les maires et les services décentralisé concernés l’essentiel des compétences et pouvoirs de gestion. Ce comité comprend, en outre, un représentant des associations d’éleveurs et un représentant de la société civile.
En ce qui concerne le ciblage, il faut préciser que la vente est libre pour les éleveurs mais reste encadrée par le comité départemental et ses sous commissions communales pour éviter tout détournement des objectifs, spéculations ou ruptures.

L’Authentique : D’après les informations qui nous sont parvenues de l’intérieur du pays, notamment du Guidimagha, les éleveurs se plaignent de la spéculation qui a entouré la vente des aliments. Ils soulignent que ces aliments sont cédés à des commerçants locaux qui l’écoulent sur le marché à des prix exorbitants. Qu’en est-il réellement ?
Vos informations sont, peut-être, fondées sur un important niveau de vente dans cette wilaya, mais il y a une précision à faire : il s’agit d’une zone refuge pour une grande partie du cheptel national, donc la forte demande est véritablement justifiée.
Les autorités suivent de près les opérations de vente avec comme consigne tolérance zéro pour la spéculation sur les produits du PPS. Nous avions été alertés une seule fois sur un cas de vente par un commerçant de quelques sacs et immédiatement après, le reliquat de son stock a été saisi.

L’Authentique : Combien de tonnes d’aliments avez-vous acheminés à ce jour ? sur quels critères vous vous êtes basés dans le choix des priorités d’acheminement ? Combien de temps vous faudra-t-il pour acheminer toute la quantité dans toutes les régions ?
Le CSA a élaboré et mis en œuvre un plan de transport très cohérent et équitable qui permet de servir toutes les wilayas en même temps ; c’est-à-dire il n’y a pas d’ordre de priorité. Elles sont toutes au même degré de priorité.
A ce jour, les services logistiques du CSA, avec l’appui des transporteurs privés ont déjà acheminé 56000 tonnes sur les 80000 prévues et nous estimons que dans 15 jours nous aurons fini l’acheminement de toutes les quantités programmées.

L’Authentique : Pourquoi en pleine crise sanitaire liée au Covid-19, les lieux de distribution de l’aliment de bétail qui connaissent des affluences monstres n’ont pas été soumis aux mesures de prévention, comme la distanciation sociale, l’installation de robinets, savons et de solutions hydro alcoolisées pour le lavage des mains, ou encore l’imposition du port de masques ?
Nous avons sensibilisé les équipes chargées de la mise en place du programme sur la nécessité d’appliquer strictement les mesures préventives aussi bien pour le personnel employé dans le cadre du programme que pour les bénéficiaires. Cependant, il faut noter que le recours à l’application de ces mesures relève de la responsabilité des autorités locales qui emploient les forces de l’ordre surtout en milieu urbain pour le respect de la distanciation sociale. Là où le besoin s’est fait sentir, les autorités ont tenu à faire respecter la distanciation sociale devant les bureaux des commissions chargées de la vente et devant les guichets des banques.

L’Authentique : Pourquoi le Gorgol et le Trarza ont été exclus du Plan de riposte pastoral, alors qu’il s’agit de régions à vocation sylvo agropastorale ?
Les wilayas que vous avez citées bénéficient du programme au même titre que les autres wilayas.

L’Authentique : Pourquoi le marché de construction des points pastoraux n’a pas été soumis à un Appel d’Offres et qu’on semble lui préférer l’option de l’entente directe avec certaines entreprises, puisqu’on ne semble pas tenir compte de l’urgence de la situation ?
Vous parlez de la réalisation de stations pastorales dans les zones de pâturages dépourvues de points d’eau. Compte tenu des délais impartis et des objectifs du programme, il a été décidé d’attribuer par entente directe le marché de réalisation des 25 points retenus. Si cette décision n’avait pas été prise, les délais de passation de marché auraient fait perdre les deux mois nécessaires à la réalisation des stations pastorales. Il faut souligner que la réalisation de ces points passe par plusieurs étapes : études géophysiques ; implantation ; forage ; équipements …
L’Authentique : Comment expliquez-vous qu’à ce jour, 20% de l’enveloppe destinée au Programme, la bagatelle de plus de 2 milliards MRO, a été allouée à la seule mise en œuvre, alors que des volets importants comme l’hydraulique pastorale et la santé animale n’ont pas reçu plus de 5% de cette enveloppe ?
Pour répondre à votre question, il va falloir tout d’abord, expliquer en quoi consiste la mise en œuvre.
Le programme pastoral spécial, 2020 a été conçu pour répondre à un déficit de pâturages suite à la sécheresse de l’année dernière. Donc, son ossature principale est l’aliment de bétail qui effectivement accapare 95% du budget du PPS. Dans ce budget, plus de 80% est consacré à l’acquisition de l’aliment tandis que la mise en œuvre du volet aliment de bétail occupe 17% du budget global.
Alors, il faut savoir que la mise en œuvre proprement dite consiste à assurer le transport de 80000 tonnes à partir de Nouakchott vers les différentes wilayas du pays et ravitailler après tous les points de vente ouverts dans toutes les communes et au-delà dans des points pastoraux à l’intérieur de ces communes.
Elle consiste également à prendre en charge les coûts liés au mécanisme de vente : stockage, manutention, salaires de vendeurs et personnel, collecte des fonds, inspections et contrôle ..etc.
L’Authentique : Pourquoi les autorités administratives, les conseils régionaux et les communes n’ont pas été impliqués dans la mise en œuvre du Programme dont le volet Aliment de Bétail a déjà commencé depuis belle lurette ?
Le cadre institutionnel mis en place pour assurer la gestion et le suivi de ce programme prévoit l’implication à des degrés divers de toutes ces structures. En effet, il y a une commission de coordination et de supervision au niveau régional présidée par le wali, comprenant le président du conseil régional, les Hakem des Moughataa, le président de l’association des maires, les services techniques concernés et les représentants des associations des éleveurs et les organisations de la société civile active dans le domaine du développement rural.
Cette structure se décline au niveau Moughataa sous forme d’un comité départemental de suivi présidé par le Hakem et comprenant les maires et les représentants des éleveurs.
Ces structures ont commencé depuis le premier jour à accompagner la mise en œuvre du programme et continuent à s’acquitter convenablement de leurs charges.

L’Authentique : Vous avez opté pour une coordination centralisée du programme… Pour une meilleure efficacité, ne fallait-il pas au contraire décider d’une décentralisation de l’action qui aurait été plus judicieuse en termes de transparence, de participation des acteurs et des services décentralisés et des entités déconcentrées comme le Conseil Régional et les communes ?
Je pense qu’en dehors de travaux de conception et de programmation réalisés par une commission technique multisectorielle et validées par un comité interministériel, la réalisation du programme est éminemment décentralisée compte tenu de l’implication effective des structures régionales et départementales précitées.
En plus, et comme gage d’implication réelle, la programmation préalable des quotas a été transmise à titre indicatif,car elle pourrait être changée par des décisions motivées des structures décentralisées.

Propos recueillis par MOM