Fondée par la loi 2013/001 du 2 Janvier 2013, la Zone Franche de Nouadhibou (ZFN) traîne comme un énorme boulet, depuis près de huit ans, des « prérogatives régaliennes » qui plombent l’efficacité de son action, au regard de son objet originel et de sa vocation naturelle : marquer une volonté politique d’accélération de l’investissement et des échanges.
Et ce ne sont pas les (inévitables ?) « querelles » entre l’institution, les autorités centrales en charge de l’administration territoriale et les divers services déconcentrés de l’État qui arrangent les choses.
L’option du gouvernement est désormais de mettre sur pied une commission chargée de réviser la loi de Janvier2013 avec l’objectif d’alléger l’institution de certaines attributions.
« Limiter les avantages aux seules entreprises qui ont un impact mesurable, réduire la surface géographique de la zone franche, ainsi que son système de gouvernance, avec une prise en compte de la gestion de la transition » : telle est la principale recommandation d’une communication présentée par les ministres des Affaires économiques et de la promotion des secteurs productifs, Ousmane Mamoudou Kane ; de la Pêche et de l’économie maritime, Abdel Aziz Dahi ; de l’Habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, Khadija Cheikh Bouka ; et le Secrétariat Général du gouvernement, Amadou Tijane Thiam ; à l’occasion de la réunion hebdomadaire du gouvernement du 1er Octobre 2020.
Cette communication s’appuie notamment sur une mission effectuée à Nouadhibou, les 18 et 19 Septembre, par ces responsables gouvernementaux.
Dans la perspective d’une véritable mue pour recentrer la ZFN sur l’essentiel, la communication présentée au gouvernement préconise « la plus rapide réalisation possible de certaines infrastructures sur le modèle des contrats de Partenariat Public/Privé(PPP), une garantie de la fourniture des services de base (eau, électricité, moyens de communication, notamment Internet), la construction d’un port en eau profonde et d’un aéroport, un système d’assainissement aux normes….
Et, dans le même élan, « une formation et une professionnalisation des ressources humaines, en vue d’obtenir une main d’œuvre qualifiée », le tout adossé à une « revue du régime de la fiscalité de la pêche, par l’application de la Stratégie Nationale de Développement durable et inclusif de la pêche maritime ».
Décollage raté
La Zone Franche de Nouadhibou (ZFN) fut fondée avec les objectifs suivants : « attirer l’investissement, encourager le développement du secteur privé, développer les infrastructures dans la région de Nouadhibou ;promouvoir le développement de la capitale économique pour en faire un pôle de compétitivité et un hub régional de classe internationale ;produire de nouveaux emplois et améliorer les compétences professionnelles ;impulser le développement économique et social du pays ». Mais la mission ministérielle a constaté « une absence des conditions nécessaires à la réalisation des objectifs assignés à la ZFN ».
L’institution a été dévoyée, galvaudée et extravertie, au point de se muer en outil « d’expropriation, morcellement et vente aux enchères publiques de terrains ou espaces appartenant à l’État.
En 2016 par exemple, l’Autorité de la Zone Franche a vendu à des privés six cents lots situés dans la « zone des cabanons », pour un total de huit milliards MRU ». Des objectifs initiaux donc totalement vampirisés par la boulimie foncière des tenants du pouvoir.
Par ailleurs, « le régime fiscal et douanier accordé par la zone franche est venu se superposer aux autres régimes dérogatoires au niveau de Nouadhibou : régime commun, régime SNIM, régime PolyHondong, régime Points francs, régime Code Pêche, régime des hydrocarbures et régime des Codes des Investissements ».
La ZFN n’a manifestement pas répondu aux immenses attentes des autorités, des investisseurs et des populations. Mais il faut tout de même noter que depuis la fondation de l’institution, «452 entreprises ont été agréées. Parmi celles-ci, 294 sont toujours en activité, 130 en cours d’installation et 28 ont changé de régime ».
Cité portuaire et minière, capitale économique de la Mauritanie, Nouadhibou est située au point de rencontre entre l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb, à la croisée des voies terrestres et maritimes vers l’Europe et les Amériques.
Une position géostratégique de la plus haute importance, qui en fait un site idéal pour une zone franche. Un potentiel dont l’exploitation rationnelle exige une rupture totale avec la culture de la gouvernance tribale et de la médiocrité.
Amadou Seck