Les « Trois roues » à Nouakchott Les damnés des rues

mer, 20/01/2021 - 09:20

Alors qu’au Maroc, la révolution du transport public de ces trois dernières années est sanctionnée par l’arrivée du tramway qu’au Sénégal, on se prépare à se mettre à l’heure du Train Express régional, en Mauritanie, l’heure a été aux « Trois roues », cet engin-moto de quatre place ou trainant un wagon, en provenance d’Asie qui a bien bouleversé le paysage du transport national.
Partout dans la ville de Nouakchott, on les voit tous les jours aller et revenir, bloquer la circulation et être à l’origine d’embouteillages aux heures de pointe.
Les véhicules « Trois roues » de Nouakchott travaillent toute la journée et finissent très tard dans la soirée. Malgré leur présence imposante et le bruit qu’il y a au tour d’eux, allant des chansons des enfants au coup de gueules des automobilistes, qui, pour la plupart, estiment qu’ils n’ont pas leur place sur les rues bitumées, les « Trois roues » participent à l’activité socio économique du pays. Ils assurent le transport des personnes et sont même en voie de conquérir l’axe allant du centre-ville vers le Carrefour Madrid. Ils livrent la marchandise, aident à acheminer les matériaux de construction comme les briques, le ciment, les fers ronds, les carreaux et autres.
Pour comprendre le travail des conducteurs des « Trois roues », nous-nous sommes rendus au marché de la Socim. A première vue, on a l’impression que ce marché est le seul de la Capitale. Il est si vaste que ses activités occupent les rues adjacentes ! Les produits alimentaires frais, généralement fruits et légumes importés du Maroc, du Sénégal ou du Mali y sont vendus à des grossistes et à des détaillants. Mangues, pommes, oranges, bananes, carottes, tous les fruits et légumes disponibles à Nouakchott passent par le marché de la Socim. Fréquenté par les habitants de la capitale qui désirent consommer du frais, ce marché est devenu le carrefour des « Trois roues ». Rassemblés dans leur coin, racontant des blagues et les dernières anecdotes vécues, leurs conducteurs dont le nombre est impressionnant, ne laissent pas indifférent. Les automobilistes klaxonnent, crient, les piétons esquivent avec la plus grande finesse, pour ne pas être heurtés. Les commerçants eux, les comprennent bien, business oblige. Ici, la plupart des conducteurs de « rois roues » viennent du Mali et ont posé leurs valises à Nouakchott avec une idée bien fixe : faire ce travail et envoyer de l’argent au village. Contrairement à ce que l’on pense, exercer le métier de conducteur demande une bonne maîtrise de l’engin et des capacités à pouvoir circuler dans les embouteillages
Le travail, comme tout autre, est organisé et demande une certaine entente entre les acteurs du domaine. Personne n’a le droit de détourner le client de son voisin ou de modifier les prix. Les tarifs n’étant pas fixes, des arrangements sont trouvés mais toujours dans l’esprit d’éviter de dévaloriser l’activité. Mais même si un conducteur prend le risque de franchir la limite, il n’y a aucune sanction prévue. Mais le travail est rendu compliqué par les automobilistes qui ne veulent plus partager les rues bitumées avec eux. Souvent pris à partie, ils savent bien gérer ces situations difficiles.
Les conducteurs de « Trois roues » n’ont pas tous le même statut. Certains sont propriétaires de leurs charrettes et travaillent pour leurs propres comptes. D’autres, les plus nombreux, travaillent pour le compte de grands propriétaires et bénéficient d’une rémunération mensuelle ou journalière. Pour les uns comme pour les autres, le « versement quotidien » varie entre 300 NUM et 400 NUM
Finalement, les conducteurs de « Trois roues » sont comme tout le monde et sont organisés avec les moyens du bord pour vivre. Pour finir, ils demandent aux automobilistes de baisser le ton et de bien vouloir partager les routes aménagées avec eux… Mais, le malheur, c’est qu’ils ne sont pas astreints au code de la route !!! On se demande comment la nouvelle réglementation du transport qui embarrasse déjà les " chauffeurs " de Nouakchott fera avec ces " damnés de la terre ".

JOB