15 jours avant le débat en séance publique demandé par le Sénat, la ministre des Armées était auditionnée pour faire le point sur l’opération Barkhane au Sahel, où les forces françaises sont déployées depuis 8 ans. Cinq soldats y ont perdu la vie, ce mois-ci.
« Dire que la France est engluée dans une guerre sans fin est faux. Notre présence n’est certainement pas éternelle », a martelé à plusieurs reprises Florence Parly devant les sénateurs de la commission de la défense et des forces armées et des affaires étrangères du Sénat, devant laquelle elle était auditionnée ce mercredi.
La présence des forces armées françaises au Sahel est un sujet que regarde de près la Haute assemblée. Pour mémoire, lancée en 2013, l’opération Serval, en soutien aux autorités maliennes contre des groupes terroristes, a été remplacée l’année suivante par la force Barkhane dont la mission s’étend sur 5 pays du Sahel (Mali, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso, Niger).
« Les progrès politiques dont dépend la résolution définitive de la crise sont loin d’être allés au même rythme que les avancées militaires […] Il n’y a pas de solution militaire sans solution politique », a souligné en introduction le président LR de la commission.
En attendant le débat qui se tiendra le 9 février en séance publique au Sénat sur le « bilan de l’opération, la stratégie militaire et la solution politique », plusieurs questions sont en suspens quelques jours après la mort de 5 militaires en une semaine lors de missions de reconnaissance en véhicules blindés légers (VBL).
Des questions qui ne donneront pas les réponses escomptées. « Je préfère vous le dire d’emblée, je ne pourrai pas vous donner des détails sur des ajustements qui ont vocation à faire l’objet de discussions avec tout d’abord nos partenaires sahéliens et partenaires européens », a prévenu la ministre évoquant le sommet le mois prochain du G5 Sahel à N’Djamena au Tchad.
« Nous ne voulons pas que le Sahel devienne une sorte d’académie du terrorisme »
Hier, lors de ses vœux devant les forces armées, le chef de l’Etat a confirmé « l’ajustement » des troupes françaises au Sahel rappelant que les renforts de 600 hommes décidés l’an dernier étaient « temporaires ». L’entrée en œuvre la force « Takuba » qui réunit plusieurs pays européens devrait conduire à l’allègement du nombre de soldats engagés, actuellement autour de 5.100. Un sujet au cœur des échanges du sommet de N’Djamena.
Prudente dans son exposé, Florence Parly a rappelé les raisons de l’engagement de l’Etat au Sahel. « Pourquoi après 8 ans, sommes-nous toujours au Mali ? Parce le Mali et ses voisins nous le demandent toujours […] Si Daesh et Al-Qaida s’emparent du Sahel, et en font un sanctuaire, alors il y a un risque de les voir s’étendre du Sahel à toute l’Afrique de l’ouest […] Nous ne voulons pas que le Sahel devienne une sorte d’académie du terrorisme […] Nous avons vu ce que ça a donné en Afghanistan avant 2001 et au Levant avant 2014, c’est un risque pour la France et pour l’Europe ».
L’équipement des soldats français est au cœur des préoccupations des sénateurs car ce sont des engins explosifs improvisés (EEI) qui ont coûté la vie des cinq militaires, en début d’année.
« Ce sont des attaques quotidiennes et non discriminées »
« Des kits de blindages sont en train d’être livrés […] les VBL ainsi renforcés seront acheminés sur le théâtre sahélien par voie aérienne au cours du premier semestre 2021 et nous faisons tout pour que ce soit le plus rapidement possible », a assuré la ministre qui a évoqué également l’arrivée prochaine de drones. Les VBL Ultima au blindage renforcé n’arriveront que l’année prochaine. « Avec le chef d’état-major des armées, nous avons lancé une réflexion pour modifier l’usage des blindés légers qui restent comme leurs noms l’indiquent des blindés légers », a développé Florence Parly.
« Une sorte de coup de projecteur a été donné sur ces attaques par engins explosifs improvisés […] mais si je vous montrais le nombre d’attaques en 2019 et 2020 qui ont touché les forces maliennes et la population civile, nous ne sommes pas du tout dans les mêmes ordres de grandeur. Ce sont des attaques quotidiennes et non discriminées », a-t-elle souligné, par ailleurs.
Guerre d’informations
Plusieurs élus ont évoqué la mauvaise image des forces françaises « perçues comme une armée d’occupation » par les populations locales. Le sénateur (LR) Hugues Saury a évoqué les accusations portées contre l’armée française suite à une frappe aérienne qui a causé la mort de plusieurs personnes lors d’un mariage au centre du Mali. « Il y a plusieurs domaines de conflictualité et l’information en fait partie […] Je ne doute pas que des civils aient été tués mais ce n’est pas par l’intervention de la France », a répondu la ministre, déplorant que la rumeur ait désormais le même poids que les faits. « Il ne s’agit pas forcément de rumeurs diffusées par des acteurs locaux […] La Russie et la Turquie ont l’habitude d’utiliser ces méthodes », a-t-elle expliqué.
En conclusion, Christian Cambon a rappelé l’importance du débat « démocratique » qui se tiendra le 9 février au Sénat, où chaque groupe politique aura la parole, insistant sur le volet politique et diplomatique du conflit. « S’il n’y a pas de réconciliation nationale (au Mali) cette affaire durera pendant bien longtemps […] Le message que vous pourrez porter au président de la République, c’est de dire, compte tenu du prix que nous payons, des vies humaines qui sont en jeu, la France plus que d’autres, a le droit et les moyens de parler à la junte Malienne […] Je compte sur le sommet de N’Djamena » a-t-il plaidé.
Par Simon Barbarit