Comment Ould Abdel Aziz compte reprendre le Pouvoir

mer, 10/06/2020 - 11:46

Contrairement à tous ses prédécesseurs, l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz refuse la mort politique. L’homme qui se sent trahi par ses compagnons militaires et politiques, ne s’économiserait plus pour reprendre le Pouvoir qu’il considère comme « un bien acquis » depuis qu’il a renversé en 2005, le président Ould Taya terriblement craint de tous à l’époque.

Au Ghana, les motivations du premier coup d’État militaire du capitaine Jerry Rawlings intervenu le 04 juin 1979 portaient sur la nécessité de mettre fin à la corruption, à la pourriture et aux abus. En septembre 1979, Rawlings passe le pouvoir à un gouvernement civil, mais revint aux affaires le 31 décembre 1981, en reversant le président élu suite à l’échec de son gouvernement. Après l’amorce de la démocratie en 1992, Rawlings s’est fait élire à deux reprises avant de remettre le pouvoir en 2000 à John Agyekum Kufuor, son successeur élu. Depuis, l’ex-capitaine vit dans son pays en homme ordinaire entièrement détaché de la vie politique. Autres lieux, autres temps, autres mœurs… En Mauritanie, les motivations du coup d’État du colonel Mohamed Ould Abdel Aziz le 03 août 2005 portaient sur la nécessité de mettre fin à la corruption, aux inégalités et aux abus. En 2007, la junte militaire au pouvoir organise une présidentielle à l’issue de laquelle, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdalahi devient le premier président démocratiquement élu. Une année plus tard, le général Abdel Aziz dirige un groupe de putschistes qui reprend le Pouvoir des mains d’une Autorité qualifiée de laxiste. Une nouvelle ère démocratique est ouverte qui porte Ould Abdel Aziz à deux reprises à la tête du pays.
Empêché de se représenter par la constitution qui limite les mandats présidentiels à deux, Ould Abdel Aziz passe la main en juillet 2019 à son compagnon de route Mohamed Ould Ghazouany. Au mois d’octobre de la même année, l’homme exprime ses ambitions politiques en tentant, en vain, de prendre en main l’UPR, le parti-phare de la majorité présidentielle. Ses intentions sont claires aux yeux du tout nouveau président de la République subitement jaloux de son pouvoir. Les relations entre les deux hommes se dégradent. En novembre 2019, Ould Abdel Aziz tente un coup de force avec l’appui de ses fidèles restés au sein du Basep, la Garde présidentielle. C’est du moins ce qu’assurent nombre de médias. L’information est rejetée par le régime qui va pourtant procéder à un vaste « lessivage » et une profonde restructuration de cette Garde. La donne était simple : l’élimination du nouveau président rouvrirait grandes ouvertes les portes du pouvoir à Ould Abdel Aziz, candidat certain à une nouvelle présidentielle qu’organiserait au terme d’une rapide transition, son ami Cheikh Ould Baya président de l’Assemblée nationale. Ce scénario tombé à l’eau, Ould Abdel Aziz n’en démord pas. Il se présente en victime expiatoire d’un régime qui semble désormais déterminé à étouffer ses ambitions (création d’une commission d’enquête parlementaire sur les dix années de gestion des biens publics, remise en cause de moult décisions prises par son régime, arrestation de son épouse suite à son viol du couvre-feu…).
Acculé mais perspicace et davantage déterminé à revenir au premier plan, Ould Abdel Aziz se tourne vers sa tribu et parvint à en décrocher des soutiens. Il se remet dans la politique en s’invitant au parti El Wiam de Boidiel Ould Hoummeit. Il profite de la crise née du covid -19 pour s’engager dans le social et l’humanitaire, procédant à la distribution de vivres au profit de populations démunies. les siennes de l’Inchiri d’abord, « charité bien ordonnée... » Ses partisans investissent la Toile, les salons huppés, les centres d’influences de Nouakchott et Nouadhibou et les milieux populaires le présentant comme « la meilleure alternative de l’heure » tout en décriant le régime actuel, le cas échéant, lui mettant des bâtons dans les roues. En témoigne la campagne déstabilisatrice récemment menée contre la politique sanitaire des Autorités dans leur gestion du coronavirus consacrée par la diffusion via les Réseaux sociaux, d’une information dénonçant le mode opératoire du ministère de la Santé face à la pandémie.
Ainsi, pour Ould Abdel Aziz, comme pour les siens, la partie n’est pas définitivement perdue. Homme à l’égo surdimensionné, le descendant d’une tribu guerrière qu’il est ne peut pas encore accepter être si facilement emporté par un homme qu’il a eu à ses ordres, qui plus, est issu d’une famille maraboutique.
MOM