Point de vue : Les jeux sont faits. Aziz et ses coaccusés iront-ils tous en prison ?

jeu, 20/08/2020 - 09:48

Certains mauritaniens tentent depuis quelques jours de  déplacer les raisons et les circonstances de  l’interpellation de l’ancien président par La police chargée des crimes économiques et financiers vers  un terrain politique plutôt que celui de la justice. Pourtant, la situation dans laquelle se trouve l’ancien président  résulte d’une suite  logique de la progression  d’une procédure qui entre dans le cadre d’une enquête menée par une commission  parlementaire  qui a  joué  son  rôle d’investigation préliminaire. Il est tout à fait logique que cette investigation débouche à présent sur une enquête préliminaire par une institution auxiliaire de justice.

Le Ministère public a,  dans un communiqué rendu public,  justifié les raisons  de l’interpellation de l’ancien président. Le porte-parole de l’autorité  judiciaire officielle mauritanienne, -donc voie autorisée,-  a expliqué que cette interpellation entre dans le cadre de l’enquête préliminaire actuellement menée  par la Direction de la lutte contre la criminalité économique et financière.

Le communiqué précise qu’au vu des  conclusions  de l'enquête parlementaire, et pour complément d’informations la direction  de la sureté de l’état a convoqué  un des « suspects »  et cela conformément aux dispositions des articles 55 à 55 67 68 du Code de procédure pénale.

Le mot  « suspect »  employé par le parquet  pour désigner l’ancien chef de l’état, explique à lui tout seul la tournure que prennent les évènements.  Ce qui se traduirait par « la justice mauritanienne à travers   sa police judiciaire »  a fait convoquer  un suspect  pour l’entendre.

On a donc comme l’impression que la justice évite  de se laisser influencer par ce que représentaient la qualité et le  rang de l’accusé, qui, interpellé n’est au vu de la loi qu’un « suspect ».  Celui qui est aujourd’hui  dans les locaux de la police des investigations criminelles à caractères économiques n’est  pour le moment qu’un accusé, donc  présumé innocent tant que sa culpabilité n’est pas établie par des faits et des preuves matérielles. Et meme si c’est donc un sale temps pour Ould Abdel Aziz, qui pensait que son immunité, sa folie des grandeurs et son arrogance pouvaient empêcher de le convoquer pour l’entendre. L’homme fort des dix  années qui viennent de s’écouler, est dans une  situation « peu confortable ». Un accusé appelé à « éclairer » (pas par énergie solaire),  mais cette fois par des preuves irréfutables,  les enquêteurs  sur des détails  importants pour situer sa responsabilité et celles des autres  prévenus déjà entendus qui ont pour certains d’entre eux  déclarés  avoir agi sur ordre reçus de celui qui est rentré  comme simple citoyen visé par une enquête dans ce beau bâtiment de la DGSN qu’il a fait construire.

Dans la presse certains rapportent que « l’invité » de la DGSN refuse de parler beaucoup comme le souhaitent les policiers. En refusant de répondre aux questions, Ould Abdel Aziz, suspect pose des problèmes aux enquêteurs qui veulent boucler une enquête judicaire « une fois pour toutes ». Si en plus,  il refusait de reconnaitre que c’est bien lui qui était  derrière les agissements de ses collaborateurs, de ses   premiers ministres,  de ses ministres et  de certains de ses « très proches », tous  risquent de payer des pots qu’ils n’ont pas cassés.

Ce serait dommage pour eux parce qu’il est  évidement qu’ils ont agis sur ordres de l’homme étouffé maintenant par ses bricolages de chef d’état  véritable chef d’orchestre de machinations invraisemblables. Cette déduction vient  du fait  que nous savons tous qu’aucun ministre quel qu’il soit,  ne peut prendre une initiative comme celles  qui font l’objet d’enquête policière qui complète l’enquête  parlementaire.

La confrontation entre Ould Abdel Aziz, ses premiers ministres, ses ministres, et certains de ses proches peut tourner au « vinaigre » si l’ancien président faisait preuve de « lâcheté » ou de « trahison ». Il est évident que s’il refuse de reconnaitre les faits qui lui sont reprochés et sa responsabilité dans la prise de décisions qui sont à l’origine  de la  signature d’accords contournant les règles de procédures et les textes d’application en matière de marchés publics, les autres accusés seront « enfoncés » jusqu’au cou.

Tout se joue maintenant dans la conduite que  tiendra le  principal « suspect », celui qui refuse pour le moment de coopérer avec les limiers qui ont été sans doute sélectionnés  tenant compte du calibre de celui qu’ils cherchent  à « cuisiner » avec des interrogatoires musclés. Si ce suspect  considéré le  numéro un,  persiste et signe pour affirmer qu’il n’est derrière aucune des décisions prises  relatives aux marchés considérés cédés sur fond de corruption, il va manquer de la place dans la maison d’arrêt à laquelle seront envoyés tous les accusés et toutes les personnes considérées complices dans ses manigances frauduleuses.

L’ancien  président  bénéficie de la présomption d’innocence. Même les charges retenues contre lui ne font pas de lui pour le moment un « reconnu coupable ». Ce sera à la justice, la haute cour de justice  d’essayer de rétablir la vérité toute la vérité et rien que la vérité dans ces affaires  rocambolesques. Tâche qui ne sera pas facile, si l’on sait  que le principal « suspecté »  a,  selon certains,  menti 11 ans durant  au peuple mauritanien et dans ce cas,  il serait bien capable aussi de mentir à la police et plus tard à la  justice.

Mais, il est sensé savoir que rien ne peut résister aux preuves que peut rassembler la police lorsqu’elle décide ainsi. Et le président ne doit pas perdre de vue que cette police qui l’interroge aujourd’hui est « sa police ». Une police que son règne d’une décennie a rodé  sur  « un penchant » indéfectible pour le pouvoir. Le pouvoir en place, pas celui  qui était en place qui,  j’ai comme l’impression est désormais classé sans suite.

Quoiqu’il en soit, Ould Abdel Aziz est dans de  beaux draps. Avant de se retrouver devant un juge d’instruction, qui pourrait  être si le pouvoir le veut, un juge avec lequel il a  eu un antécédent quand il faisait la pluie et le beau temps, la police peut prendre tout son temps pour trouver assez de preuves matérielles  pour enfoncer  celui qui n’a jamais eu vraiment  beaucoup de considération pour ce corps, qui,  pour lui, ne  reflétait plutôt que  le visage de celui qui était le plus puissant directeur de la sureté nationale de toute l’histoire de la Mauritanie, qui était  par la suite chef de l’état et qui est  mort dans des conditions qui suscitent pour  certains beaucoup d’interrogations.

Ould Abdel Aziz a devant lui beaucoup de « mauvais quart d’heures ». D’autant plus que la police a récupéré  ses portables. Elle fera donc comme toutes les polices du monde. Pendant que certains policiers le «  cuisinent », d’autres se mettront  évidemment  à faire parler les portables, ce qui peut apporter  de nouveaux éléments à ceux  qui n’étaient pas encore élucidés.

J’ai bien peur  que le retour d’Aziz dans son domicile ne soit désormais qu’un rêve  pour lui et pour ses soutiens. Aziz  a ses droits. La police est dans ses droits. La justice aussi. Aziz a le droit de garder le silence et de ne parler  qu’en présence de son avocat. Mais Biram Ould Dah Ould Abeid aussi avait ses droits chaque fois qu’il avait été arrêté par la police.  Mais il n’a jamais cessé  de crier que jamais on ne lui a accordé ces droits ni durant les interrogatoires ni durant ses gardes à vue. Et c’est justement lui Aziz qui avait fait de la police et de la justice, des instruments espèces de  tournesols  qui ne  se déplacent  suivant  le regard de l’homme fort au pouvoir.

On ne récolte que ce qu’on a semé. Onze ans durant Ould Abdel Aziz  a semé la pagaille. J’ai bien peur que cette fois se soit la pagaille qui est entrain de le « semer ».

Mohamed Chighali.