Macron et sa Loi sur le séparatisme en France : L’indignation en Mauritanie

lun, 05/10/2020 - 10:39

S’érigeant en régents de la gestion de l’Islam dans le monde, quelques intellectuels mauritaniens se sont permis d’invectiver le président français Emmanuel Macron, par rapport à la nouvelle loi française sur le séparatisme, notamment celui de l’islamisme radical.

Ce sujet qui fait couler beaucoup d’encre en Hexagone et ailleurs, est aujourd’hui abordé avec véhémence, parfois avec violence, par quelques acteurs politiques, religieux et intellectuels mauritaniens. La sortie du président français, Emmanuel Macron, vendredi 2 octobre 2020, lors de la présentation de son plan d’action contre les séparatismes, en particulier celui de l’islamisme radical, a créé un véritable tsunami dans certains milieux en Mauritanie.

Les observateurs placent cette sortie dans le sillage de l’élection présidentielle prévue dans 18 mois en France, une sorte de course vers l’extrémisme politique pour couper l’herbe sous les pieds du Front National et de l’extrême droite française qui pêchent tous dans la même fange de l’islamophobie.

Macron s’attaque à l’islamisme radical

« Il convient désormais de nous attaquer au séparatisme islamiste ». C’est en ces termes que le président Emmanuel Macron a résumé son plan d’attaque contre le séparatisme en France, s’en prenants à la « ghettoisation » de certains quartiers dû selon lui à l’absence de mixité, ce qui a permis à l’en croire aux organisations islamistes de prendre le contrôle sur certaines portions du territoire français. Le passage qui semble le plus avoir fâché certains acteurs mauritaniens c’est celui dans lequel il déclare que « l’islam est une religion qui vit une crise partout dans le monde aujourd’hui, liée à des tensions avec les fondamentalistes ».

Une offense contre les musulmans

Mohamed Jemil Mansour, ancien président du parti islamiste proche des Frères Musulmans d’Egypte, le parti Tawassoul, première force de l’opposition mauritanienne au sein de l’Assemblée Nationale, est le premier à avoir réagi aux propos du président français Emmanuel Macron sur la loi sur le séparatisme.

Sur sa page facebook du vendredi 2 octobre dernier, le leader islamiste accuse le président français d’être un indéfectible ennemi de l’Islam, trouvant que sa dernière sortie est la plus méprisante à l’égard du monde musulman. Il a appelé les pays de confession islamique à ne pas laisser passer une telle offense faite à leur religion.

Les invectives de Mohamed Jemil Mansour ont été suivies le lendemain, samedi 3 octobre, par le communiqué publié par le parti Tawassoul qui condamne la sortie du président français, notamment sa déclaration selon laquelle l’Islam « est une religion qui vit une crise partout dans le monde aujourd’hui ».

Jugeant provocateurs les propos du président français, les islamistes mauritaniens lui ont demandé de retirer sa déclaration et de présenter ses excuses d’abord à ses propres concitoyens français, puis au milliard et trois cent millions de musulmans à travers le monde. Selon eux, l’Islam ne doit pas servir de surenchère politique pour contrer la montée de l’extrême droite.

Tawassoul considère que tout le monde, la France et le monde islamique compris, « doit éviter les déclarations qui incitent à la haine et de promouvoir plutôt la culture de la paix, de la concorde et du respect des diversités, loin des surenchères qui nourrissent les dissensions et l’islamophobie ».

Le deux poids deux mesures de la laïcité française

De son côté, l’ancien ministre et ex-président du parti au pouvoir, l’Union Pour la République (UPR), Sidi Mohamed Ould Maham, a invité dans une longue lettre, le président Emmanuel Macron à faire la différence entre, l’Islam en tant que religion -qui véhicule un message de valeurs et d’enseignement et qui ne peut mourir, une religion qui cultive la justice, les bonnes actions, la construction de l’être humain, l’édification du monde et la primauté de la paix- et l’expérience des musulmans et leurs actions présentes et futures.

De la même manière, les habitants de cette contrée du monde, à savoir la Mauritanie, savent selon lui faire la différence entre les valeurs véhiculées par la révolution française et les méfaits de la colonisation française qui a détruit et engendré des malheurs en Algérie, au Maroc, en Syrie, sans compter les nombreuses victimes ainsi que les dégâts qu’elle a causés dans de nombreux points du globe.

De la même manière selon Ould Maham, « nous savons faire la différence entre la laïcité française qui oblige l’Etat à se mettre au-dessus des dissensions religieuses et à se maintenir à équidistance entre elles, et la copie nouvelle de cette même laïcité qui prive la femme musulmane de ses droits, dont le port du hijjab, qu’il accorde pourtant aux nonnes ».

Il a également fustigé la France qui adopte des lois contre l’antisémitisme, ce qu’il trouve d’ailleurs louable, mais qui prive de cette même protection les musulmans, même si leurs croyances et leurs lieux saints sont l’objet d’attaques continues, visibles et ciblées.

La France, pas un modèle de vertu politique

Sidi Mohamed Maham a mis en exergue le néocolonialisme français au nom duquel l’ancienne métropole continue de piller les richesses des pays en développement, par l’intermédiaire de ses multinationales, notamment en Afrique et au Moyen-Orient.

Et de conclure, « nous ne trouvons aucune gêne à reconnaitre que nous vivons en tant que musulmans des crises multiformes, mais la majeur partie de cette crise est due à la France. Elle l’a nourrie par sa bénédiction et pour ses propres intérêts ». Malgré tout cela, ajoute-t-il, « nous saisissons la différence entre le modèle et sa copie, ainsi que ses impacts sur le terrain. Excellence monsieur le Président, c’est sûr, vous vivez aussi vos propres crises ».

C.A