Dans un rapport rendu public par la SOciété Mauritanienne d’ÉLECtricité (SOMELEC), l’ex-Président Mohamed ould Abdel Aziz est accusé d’avoir cumulé un impayé de 162 millions d’anciennes ouguiyas sur six factures : le chasseur en chef des gabegistes usait et abusait de l’énergie électrique via des branchements frauduleux enregistrés aux abonnés absents sur les listes de la SOMELEC !
Fraudes en série
Selon les rapports de ladite institution, des domiciles, des usines et autres espaces appartenant à l’ex-Président s’alimentaient gratuitement d’une énergie électrique chèrement payée par les autres citoyens redoutant de s’en voir privés au moindre retard de règlement.
Les documents citent ses maisons à Nouakchott et à Akjoujt, notamment sa nouvelle résidence sise quartier Nasr, en face du lot 4 dont la facture de règlement s’est élevée à 11,34 millions MRO pour une durée de consommation frauduleuse de huit mois.
Les cumuls d’impayés des maisons d’Akjoujt atteignent, eux, 3,44 millions d’ouguiyas. Celle en la localité de Tivirit à l’Est de Nouakchott où le branchement n’est plus enregistré depuis le 30 Septembre 2016, après l’avoir été au nom de Mohamedou ould Ahmed, a consommé illégalement pour quelque 2,3 millions. Les rapports citent aussi le siège de la Fondation Rahma appartenant à feu Ahmedou ould Abdel Aziz, tout aussi frauduleusement branché aux services de la SOMELEC, et les espaces situés dans le département de Béncihab où l’ex-Président se rendait fréquemment.
De l’industrie de la fraude
Les rapports inquisiteurs de la SOMELEC renseignent également sur l’usage illégal de son énergie au profit d’établissements industriels appartenant à Mohamed ould Abdel Aziz. L’usine d’eau minérale de Bénichab, une société de production de produits halieutiques à Nouadhibou, une station de pompage et une usine de décorticage de riz, sise en la zone agricole de Rosso ont fonctionné à plein régime pendant trente-six mois sans jamais être enregistrées aux dossiers de la société d’électricité, c'est-à-dire suivant le système D que les agents PI (police d’intervention) de cette boîte connaissent par cœur. Les factures de règlement de ces consommations illicites varient de 5,2 millions (usine de NDB) à 46 millions (usine de pompage) et 41 millions pour l’usine de décorticage du riz.
Négociations tous azimuts
Dans ses rapports, la SOMELEC indique avoir coupé tous les branchements frauduleux qui alimentaient les domiciles et industries de l’ex-Président qui n’a plus que le choix de faire profil bas, en déléguant auprès de la société quelques-uns de ses proches – notamment Mohamed Lemine ould Beybatt et Mohamed Vall ould Hamza (qui bénéficia, aux derniers jours du règne de son maître, d’un hectare de terre en lots « généreusement » distribués par le gouvernement, selon un rapport cité par le site Al Akhbar) – pour engager des négociations sur les modalités de paiement des arriérés réclamés qui seraient, selon une déclaration à la presse du conseiller à la communication de la SOMELEC, Dahane ould Taleb Ethmane, suffisants pour prendre en charge le paiement de la consommation de 67.000 branchements sociaux pour des ménages consommant 1200 kW par an. Soit, précise Ould Taleb Ethmane, 2413,7 UM pour chacune des 174.000 familles que la société s’engage à prendre en charge et qui représentent 57 % du total de ses abonnés.
L’arroseur arrosé
Lorsqu’en 2008, le général Mohamed ould Abdel Aziz prit le risque de torpiller le processus démocratique en renversant le premier président démocratiquement élu, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi, il s’engagea dans une vaste campagne de prétendue lutte contre la gabegie, base sur laquelle il bâtit toute sa stratégie à faire croire, à qui voulaient l’entendre, qu’il était le champion de la lutte contre les prévaricateurs et les détourneurs de la chose publique.
Lors d’un meeting à Nouadhibou, il allait même jusqu’à accuser ces « nouveaux révolutionnaires vieillots qui n’ont jamais payé ni l’eau ni l’électricité jusqu’à mon arrivée en tant que Président ». Ironie du sort, voilà que des rapports compromettants de la société électrique démontrent imparablement qu’un certain Président qui accusait sans preuves certains « vieillots » n’était pas meilleur payeur que ceux qu’il vouait avec mépris et effronterie aux gémonies.
Sneiba El Kory